L’accès au crédit immobilier ou à un prêt professionnel est souvent conditionné à la souscription d’une assurance emprunteur, censée protéger à la fois l’établissement prêteur et l’emprunteur contre les risques d’incapacité de remboursement. Toutefois, pour les personnes présentant un risque aggravé de santé, obtenir cette assurance peut s’avérer difficile, voire impossible. C’est pour répondre à cette problématique qu’a été mise en place la convention AERAS, acronyme de « S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé ».
Origines et objectifs de la convention AERAS
La convention AERAS a été signée en 2006 entre l’État, les représentants du secteur bancaire et assurantiel, ainsi que les associations de patients et de consommateurs. Elle fait suite à la convention « Belorgey » de 2001, première initiative visant à améliorer l’accès à l’assurance pour les personnes atteintes de pathologies graves ou chroniques.
L’objectif de la convention AERAS est simple : favoriser l’accès au crédit et à l’assurance emprunteur pour les personnes ayant ou ayant eu un problème de santé grave, sans les pénaliser de manière excessive ou discriminatoire. Elle repose sur des mécanismes de mutualisation des risques et de traitement équitable des dossiers.
Un dispositif en trois niveaux d’examen
La convention AERAS prévoit un parcours en trois niveaux pour l’analyse des demandes d’assurance emprunteur :
- Premier niveau : L’assureur évalue le dossier comme pour tout emprunteur standard. Si le risque est jugé acceptable dans les conditions normales, l’assurance est accordée sans surprime ni exclusion.
- Deuxième niveau : Si le risque est jugé aggravé au premier niveau, le dossier est automatiquement transmis à une cellule spécialisée, composée de médecins-conseils et de spécialistes de la tarification. Ils disposent de grilles de référence pour statuer sur l’assurabilité dans des conditions encadrées.
- Troisième niveau : En cas de refus au deuxième niveau, le dossier peut être examiné par un pool de réassureurs partenaires de la convention. Cette dernière tentative permet parfois de débloquer des situations complexes, grâce à une meilleure mutualisation du risque.
Ce processus vise à garantir une évaluation approfondie, équitable et encadrée des dossiers, avec un recours possible en cas de refus initial.
Le droit à l’oubli
L’une des avancées majeures de la convention AERAS est l’instauration du droit à l’oubli, entré en vigueur en 2016 et renforcé en 2022. Il permet à certaines personnes guéries d’un cancer ou d’une hépatite C de ne plus déclarer leur ancienne pathologie lors de la souscription d’une assurance emprunteur, sous certaines conditions :
- Le protocole thérapeutique doit être terminé depuis au moins 5 ans (contre 10 ans auparavant).
- Aucun signe de rechute ne doit avoir été constaté.
- L’emprunt doit être contracté avant l’âge de 71 ans.
- Le montant cumulé des emprunts ne doit pas dépasser 420 000 €.
Ce droit à l’oubli constitue une avancée importante en matière de non-discrimination. Il repose sur l’idée que certaines pathologies, autrefois jugées rédhibitoires, peuvent aujourd’hui être considérées comme guéries ou stabilisées.
La grille de référence AERAS
Outre le droit à l’oubli, la convention AERAS s’appuie sur une grille de référence, actualisée régulièrement, qui recense les pathologies pour lesquelles une assurance peut être accordée à des conditions standard ou avec une surprime plafonnée. Cette grille est élaborée par un comité scientifique indépendant, en lien avec les évolutions médicales et statistiques.
Elle comprend notamment des affections comme le diabète, certaines formes de cancer, les hépatites, ou encore des troubles cardiovasculaires. Elle permet une transparence accrue et un meilleur accompagnement des emprunteurs.
Des garanties encadrées mais pas automatiques
Il est important de souligner que la convention AERAS n’oblige pas l’assureur à accorder une assurance, mais l’engage à étudier chaque dossier dans un cadre défini et à motiver tout refus. En cas de refus ou de conditions jugées excessives (surprime élevée, exclusions importantes), l’emprunteur peut demander des explications écrites et, si nécessaire, faire appel à la Commission de médiation de la convention AERAS.
Cette dernière intervient pour vérifier que le traitement du dossier a été conforme aux engagements de la convention. Elle peut formuler des recommandations, sans toutefois imposer une décision à l’assureur.
Un dispositif encore perfectible
Malgré les avancées apportées par la convention AERAS, de nombreuses associations pointent encore des difficultés persistantes : lenteurs dans le traitement des dossiers, manque de transparence dans certains refus, ou encore exclusions systématiques pour certaines pathologies rares. De plus, tous les emprunteurs ne sont pas correctement informés de leurs droits.
Les pouvoirs publics et les signataires de la convention travaillent régulièrement à son amélioration. Les dernières évolutions législatives, notamment la loi Lemoine de 2022, ont renforcé l’effectivité du droit à l’oubli et facilité la résiliation de l’assurance emprunteur, ouvrant la voie à davantage de concurrence et de liberté de choix.
La convention AERAS représente une avancée significative pour l’équité dans l’accès à l’assurance emprunteur. En reconnaissant que les progrès médicaux permettent de mieux vivre avec certaines pathologies, elle s’inscrit dans une démarche de justice sociale et d’inclusion. Toutefois, pour atteindre pleinement ses objectifs, elle doit continuer à évoluer, notamment en termes de transparence, de simplification des démarches, et de communication auprès des emprunteurs concernés.